Zoom sur Yuji Ide
L'audace de Yuji Ide a coûté cher à Christijan Alberts à Imola (Panoramic)
Quel drôle d’Ide !
Yuji Ide a sans doute commis la faute de trop à Imola en envoyant Christijan Albers dans le décor dès le premier tour. Si les jours du Japonais en F1 semblent comptés, la Formule 1 doit sérieusement tirer des enseignements de cet épisode qui aurait pu être dramatique.
La Formule 1 possédait déjà un bon rayon de pilotes intrépides. On se souvient des frasques d’Eddie Irvine dans les années 90, aussi sulfureux dans ses manœuvres risquées sur le bitume que dans ses déclarations hors des circuits. Mais la tête brûlée irlandaise avait pour lui un incontestable talent qui lui permettait d’obtenir souvent l’indulgence de ses pairs quand il faisait une bêtise. Yuji Ide est le dernier né des spécimens dits «dangereux» de la discipline, à ceci près qu’il n’a malheureusement pas pour lui l’étoffe de l’ancien pilote Ferrari.
L’accident de trop
Le Japonais qui brillait déjà par ses absences de résultats a défrayé la chronique à Saint-Marin en provoquant la sortie de piste dès le premier tour de Christijan Albers.
Le Néerlandais est sorti indemne de plusieurs tonneaux, victime d’une manœuvre aussi inconsidérée que vouée à l’échec de la Super Aguri. Montré du doigt par tout le paddock, Yuji Ide qui abandonnera finalement 23 tours plus loin en raison d’une casse mécanique, a quasiment passé sous silence sa faute professionnelle en conférence de presse après la course : «Je ne crois pas avoir attaqué trop dur au début, mais lorsque je suis sorti de la deuxième chicane Albers était devant moi sur la trajectoire et je n'ai pas pu l'éviter.»
Albers furieux
Pas un mot d’excuse pour le jeune pilote batave qui fulminait encore à la fin de l’épreuve. «Je ne l’ai pas vu arriver, ça été une grosse surprise. Je ne sais pas ce qui lui est passé par la tête», lâchait Christijan Albers au pied de son motor-home avant d’enfoncer le clou : «Il n'y a pas moyen de dépasser dans cette courbe et j'étais donc derrière mais il a élargi la trajectoire alors je suis passé et une fois à l'intérieur, il a braqué et freiné très violement... Je m'en sors heureusement sans blessure mais je tiens à redire qu'un gars comme lui n'a rien à faire en Formule 1 et qu'il constitue réellement un danger pour tous les pilotes en piste.» Si l’espoir du sport auto néerlandais n’a pas été blessé dans l’accident, on ose imaginer ce qui aurait pu se passer si l’accrochage avait eu lieu à pleine vitesse à un autre endroit du circuit.
Ide vers la sortie
A demi-mots, le pilote de l’écurie russe pose la question de la présence de Yuji Ide aux départs des grands prix cette saison. Il n’est pas le seul car quelques jours auparavant, Jenson Button, pourtant chez Honda, l’écurie mère qui fournit le moteur V8 à Super-Aguri, avait soulevé le problème de manière assez explicite en déclarant : «Sa voiture est assez lente, et pour être honnête, il est également assez inexpérimenté. Ca peut devenir dangereux.» Le pilote nippon, déjà sommé d’obtenir de meilleurs résultats avant le rendez-vous saint-marinais pour conserver son volant, risque de payer au prix cher sa prise de risque dominicale. Il n’est pas exclu que sous la pression des autres teams qui marronnent dans les couloirs, la direction de l’équipe nippone n’accélère le remplacement d’Ide dans les prochains jours. Daniele Audetto a confirmé qu'Ide était sur la sellette en se confiant à Skysports : «Nous réfléchissons à un possible remplacement mais ce n’est pas encore une priorité. Nous devons lui donner un peu plus de temps pour qu’il fasse ses preuves. Pas trop de temps mais au moins un petit peu».
Les limites du système ?
Il serait trop facile de rejeter la faute sur le seul Yuji Ide qui n’est tout simplement pas à niveau. Le Japonais, comme Albers a sans doute eu aussi sa dose de sueurs froides à Saint-Marin mais aussi depuis le début de la saison. Dans cette affaire, les instances dirigeantes ont peut-être aussi une part de responsabilité car le système mis en place favorise ce genre d’incidents. Ainsi, on peut se demander si la FIA devait accepter l’inscription teintée d’amateurisme de Super Aguri il y a quelques mois. Max Mosley et son institution savaient pertinemment que les SA05 seraient considérablement à la traîne cette saison. Et une monoplace trop lente en course se transforme vite en danger public pour les autres concurrents. Surtout lorsque le pilote multiplie les fautes professionnelles... Mais dans le recrutement même de ces pilotes, le système touche aussi ses limites. En considérant d’abord la manne financière que certains pilotes grassement sponsorisés peuvent apporter plutôt que leurs qualités au volant, les teams, lancés dans la course aux budgets, contribuent eux-aussi à provoquer ce genre de situations. Il faut donc espérer que l’épisode, heureusement non dramatique de ce week-end, serve de leçon à tous les étages de la discipline et pas seulement à Yuji Ide.
