Avare en explications, Raymond Domenech s'est peu étendu sur le choix des 23 Français qui disputeront la Coupe du monde. "Cela n'a pas été facile. Ce sont des nuits et des nuits de doute, d'insomnies (...) Ce n'est pas forcément de gaieté de coeur qu'on élimine quelqu'un. Mais faire une liste, c'est éliminer des gens de qualité", a-t-il tout juste expliqué le sélectionneur en préambule de la présentation de sa liste. Avant de s'éclipser sans répondre à la moindre question des journalistes, le sélectionneur a toutefois pris le soin de livrer quelques clefs pour déchiffrer ces choix, cinq critères issus de "deux ans de travail" :
. LE TALENT
OUI : Difficile de lui contester ce critère. La plupart des appelés évoluent dans les meilleurs clubs européens et jouent les premiers rôles dans leur championnat. Domenech a ainsi fait appel à quatre joueurs de l'Olympique lyonnais, quintuple champion de France (Coupet, Malouda, Wiltord et Abidal). En retrait cette saison avec le PSG, Vikash Dhorasoo conserve toutes ses qualités comme il l'a déjà prouvé à pratiquement chacune de ses sélections. Le retour des anciens, Zinedine Zidane, Lilian Thuram et Claude Makelele en est aussi une parfaite illustration.
NON : Mais comment ne peut pas faire entrer dans cette catégorie des joueurs comme Johan Micoud ou Nicolas Anelka ? Véritable maître à jouer du Werder Brême, 2e de Bundesliga, et adulé en Allemagne, Micoud restera encore une fois sur le carreau : "J'ai fait mon boulot avec mon club et essayé de convaincre les gens qui ne croyaient pas trop en moi. L'important c'est d'avoir tout donné et tout fait. C'est une grosse déception". Et que dire de Nicolas Anelka qui possède sur le papier un profil plus complet que Louis Saha ou surtout Djibril Cissé.
. L'EXPERIENCE
OUI : Avec une moyenne d'âge de 28 ans, la France se présentera en Allemagne avec une des formations les plus âgées. Cette moyenne grimpe même au-delà de la trentaine si on se focalise sur le onze qui pourrait débuter le 13 juin face à la Suisse avec Barthez (34 ans), Thuram (34 ans), Zidane (34 ans en juin), Makelele (33 ans) ou Vieira (30 ans en juin). Du haut de ses 26 ans, Jean-Alain Boumsong fera figure de jeunot. Une chose est sûre : cette équipe se connaît sur le bout des doigts. C'est d'ailleurs en partie sur ce critère que Raymond Domenech a confié les buts tricolores à Fabien Barthez, présent lors de toutes les campagnes des Bleus depuis 1996 où il était la doublure de Bernard Lama.
NON : Habitué des luttes de haut niveau en Ligue des Champions pendant que son homologue marseillais disputait la Coupe de l'UEFA, Grégory Coupet n'est pourtant pas un novice et peut désormais faire valoir une solide expérience qu'il a notamment su mettre à profit lors des qualifications. Micoud et Anelka étaient quant à eux de la campagne de l'Euro 2000. Giuly va disputer mercredi sa deuxième finale de la Ligue des Champions. L'importance du critère de l'expérience laisse par ailleurs perplexe quant aux choix de Franck Ribéry, Pascal Chimbonda ou Alou Diarra, peu voire par de sélections en A et peu habitués aux joutes de niveau international. Mais comment préparer l'avenir en s'appuyant prioritairement sur l'expérience ?
. LA FORME DU MOMENT
OUI : Si Domenech reconnaît que ce critère est "relatif dans la mesure où il reste trois semaines" de préparation, il a joué un grand rôle pour trancher plusieurs situations. C'est particulièrement visible pour les attaquants. Louis Saha, inarrêtable avec Manchester United depuis son retour de blessure en janvier (7 buts), au point de pousser Van Nistelrooy sur le banc, est l'incontestable buteur en forme des Bleus avec Thierry Henry. Après une saison difficile, Djibril Cissé a remonté la pente avec pas moins de cinq buts lors du dernier mois, dont un en finale de la Cup, samedi. A côté, Anelka paraît forcement en retrait à Fenerbahçe.
NON : Si ce critère n'est pas exclusif, Raymond Domenech ne semble pas y être toujours fidèle. Ainsi, certains joueurs au top de leur forme ne figurent pas dans la liste. Ça saute aux yeux concernant le cas Barthez-Coupet où le Lyonnais semblait disposer d'une longueur d'avance comme l'atteste son trophée de meilleur gardien de L1 décerné par ses pairs. C'est aussi le cas pour Pires, Flamini et Giuly, tous finalistes de la Ligue des Champions. A l'inverse, certains Mondialistes n'ont pas évolué à leur meilleur niveau ces derniers temps. Jean-Alain Boumsong et Lilian Thuram, qui composaient la charnière centrale des Bleus lors des éliminatoires, ont terminé la saison sur les bancs de Newcastle et Turin. Abidal et Dhorasoo n'ont pas été à leur niveau en Ligue 1.
. LA COMPLEMENTARITE
OUI : "C'est peut-être le plus important dans une compétition" , a estimé Raymond Domenech. Pour cela, il est resté fidèle à l'ossature de l'équipe de France. Peu à leur avantage en club, Boumsong ou Cissé ont gardé la confiance du patron des Bleus. Le défenseur de Newcastle a ainsi été titularisé à 11 reprises sur 13 possibles. Quant à Cissé, il est dans d'une certaine manière récompensé pour son statut de meilleur buteur des éliminatoires (4 buts). Alou Diarra et Vikash Dhorasoo ont pour eux un vécu dans le groupe de France et ont toujours su répondre présent lorsqu'on a fait appel à eux.
NON : Certains joueurs n'ont pas eu le droit aux mêmes égards. Le duo Givet-Squillaci, titularisé lors des premiers matches du nouveau sélectionneur jusqu'à France-Pologne, n'a pas été reconduit malgré des automatismes nés à Monaco. La complémentarité de Nicolas Anelka avec Henry et Trezeguet, visible notamment face au Costa Rica, n'a pas non plus pesé dans la balance. Enfin, Robert Pires connaît pratiquement tous les pensionnaires de la maison Bleue.
. LE CARACTERE
OUI : "Le caractère, c'est peut-être l'essentiel, a insisté Domenech. Un caractère particulier pour ceux qui jouent et qui sont capables de supporter la pression d'une Coupe du monde au plus haut niveau. Derrière, il y en a d'autres qui doivent abandonner tout orgueil, qui savent qu'ils sont là pour être les remplaçants de ceux qui vont jouer au départ, et ce n'est pas facile" . Fraichement arrivé, Franck Ribéry et Pascal Chimbonda disposent en effet du profil type du remplaçant. Chimbonda aura même peu de chances de jouer derrière Sagnol voire Gallas. Diarra, Cissé, Saha ou Givet se contenteraient également volontiers de quelques minutes de jeu.
NON : A contrario, le message n'a pas du être apprécié par Grégory Coupet qui postulait ouvertement à une place de numéro 1 et qui a démontré à Dublin qu'il avait les nerfs pour supporter une forte pression. Jean-Alain Boumsong, pilier de la défense des Bleus en qualification, aura du mal à céder sa place. Et on ne parle pas de Lilian Thuram, qui ne joue plus à la Juve mais qu'on imagine mal sur le banc. Le statut pris par Gallas à Chelsea, où il évolue dans l'axe, peut également le pousser à avoir des exigences en équipe de France. Et Johan Micoud et Robert Pires ne paient-ils pas leur trop fort caractère qui leur a valu des déboires par le passé ?
