Lors de la dernière course à Barcelone, Renault a annoncé son engagement en Formule 1 au-delà de 2008. Pourquoi est-ce une annonce importante ?
Flavio Briatore : Cela signifie que Renault est en position de force et choisit de rester en Formule 1. C'était important pour les membres de notre société mais aussi pour les gens à l'extérieur. Depuis l'arrivée de M. Ghosn l'an passé, il a toujours dit que tant que nos résultats étaient à la hauteur de notre investissement, alors nous resterions. Mais il y avait eu beaucoup de rumeurs par rapport à notre avenir. Il était donc important de signaler officiellement l'engagement de Renault.
Vous avez toujours été très direct en ce qui concerne la réduction des coûts en Formule 1 à partir de 2008. Pouvez-vous nous expliquer votre point de vue ?
F.B. : Tout le monde doit devenir plus efficace en terme de dépenses. Que ce soit Honda, Toyota, Renault ou Ferrari, nous sommes là pour offrir un spectacle et une course. Cela ne concerne en rien une course aux armements entre manufacturiers. Je pense que nous pouvons offrir le même niveau de spectacle en dépensant moins d'argent.
On parle beaucoup de spectacle et de réduction des coûts mais qu'est-ce qui vous fait penser que cela marchera ?
F.B. : Je regarde les week-ends de course. La Formule 1 et le GP2 offrent un spectacle fantastique. Entre le pilote le plus rapide en GP2 et le pilote le lent en F1, il y a peut être un écart de sept ou huit secondes au tour. Mais dans un cas, on dépense 2 millions de dollars, dans l'autre, c'est davantage de l'ordre d'un demi milliard. Il y a quelque chose qui ne colle pas là, vous ne pensez pas ?
Alors quelle est votre solution ?
F.B. : Il faut envisager la Formule 1 sous un angle nouveau. Nous devons nous concentrer sur l'événement en lui-même, le respect du public et lui donner le produit qu'il attend, pas uniquement ce que les ingénieurs pensent que nous devrions avoir.
Vous parlez d'importantes réductions de coûts. Dans quel domaine est-il possible de faire des économies ?
F.B. : Le principal problème en ce qui concerne les coûts réside dans le fait que la Formule 1 reste une discipline hautement technique. Il est possible de faire d'importantes économies du côté moteur mais aussi dans d'autres domaines tels que les essais. Mais ce dont les gens ne se rendent pas compte, c'est que le temps continue de filer. On parle, on parle mais les règlements 2008 sont déjà arrêtés. Ils peuvent maintenant uniquement être modifiés par un accord unanime de toutes les équipes et personne ne semble s'en rendre compte. Nous avons un mois pour gérer la situation technique.
Bien entendu, il se dit que l'avenir de la F1 est aussi envisagé de manière égoïste, en gros, il y aurait de grosses pressions de Renault pour réduire les dépenses...
F.B. : Renault veut une équipe saine et compétitive. Il y a aussi des rumeurs selon lesquelles Renault n'a pas d'argent ou Renault ne veut pas dépenser d'argent. Regardez les résultats de Renault-Nissan et vous verrez bien que l'argent n'est pas un problème. Ce que nous proposons est une nouvelle vision de la Formule 1 : être plus efficace et avoir des résultats en accord avec notre investissement. Nous ne voyons pas l'intérêt de faire de la course automobile avec des chèques en blanc ; gagner en étant plus efficace, voilà un nouveau défi.
L'autre concept concerne la technologie qui doit pourtant rester très élevée. Qu'en pensez-vous ?
F.B. : S'il y a bien une équipe qui peut se plaindre de la limitation de la technologie, c'est Renault. Nous gagnons, cela signifie par la même occasion que nous sommes les plus forts d'un point de vue technologique. Alors pourquoi voudrions-nous abandonner tout cela ? Parmi tous ceux qui parlent de technologie, beaucoup n'ont même jamais gagné une course, d'autres n'ont plus gagné un championnat depuis des années. Le fait est que les équipes qui dominent la Formule 1 depuis ces six dernières années sont d'accord. Renault et Ferrari sont unanimes sur le fait de vouloir offrir le même spectacle en dépensant moins. C'est une vision simple : nous voulons faire de la Formule 1 un centre de profit et non plus un centre de coûts.
Mais les gens considèrent souvent la technologie comme l'intérêt premier de la Formule 1...
F.B. : Ils ont raison. Mais même en dépensant moins nous garderons toujours un très haut niveau de technologie. Mais qu'est ce qui compte au final : développer un double embrayage que l'on ne montrera jamais pour des raisons de confidentialité ou est-ce plutôt avoir Sylvester Stallone sur la grille de départ devant les caméras du monde entier ? Nous devons divertir les gens et comprendre que la Formule 1 est un événement avant tout. Avec les autres constructeurs, nous sommes là pour des raisons d'image, de communication. Nous devons découvrir de nouveaux marchés et être les ambassadeurs afin d'aider à la vente d'un nouveau produit. Je pense que la Formule 1 doit changer fondamentalement et pas seulement se soucier de petits détails comme la technologie.
Etes-vous décidé en ce qui concerne votre propre avenir ?
F.B. : Ce n'est pas l'essentiel selon moi pour le moment. Peu importe ce que sera mon avenir, je dois faire ce qui, selon moi, est le plus important pour la société que je représente, Renault. Je dois m'assurer que nous aurons une équipe saine et compétitive dans le futur. C'est ma priorité.
On sait que l'année prochaine Renault devra se passer de Fernando Alonso. Est-ce que cela sera une grosse perte ?
F.B. : Certainement. Mais il est jeune, il a beaucoup gagné avec Renault et il aura passé cinq saisons avec nous. Il avait besoin d'un nouveau challenge, de nouvelles motivations. S'il m'en avait parlé, je lui aurais sans doute donné un avis différent sur les dispositions à prendre pour son avenir. Mais en fin de compte, ce sera peut être un changement qui aura du bon pour l'équipe. Vous vous enfermez dans une sorte de routine et si vous ne changez pas, alors vous ne gagnez plus. C'est arrivé à Benetton il y a dix ans, à Ferrari l'an passé et cela peut arriver à Renault également. Maintenant, nous avons de nouvelles motivations pour 2007 : faire tout notre possible pour permettre à Renault de battre McLaren et Alonso.
Quand pensez-vous annoncer vos pilotes pour 2007 ?
F.B. : La situation n'a pas changé. Avec notre voiture, il y a aujourd'hui trois ou quatre pilotes capables de gagner des courses. Michael Schumacher, Alonso, Raikkonen et Fisichella, qui a déjà montré qu'il pouvait gagner avec nous. Il y a aussi des jeunes pilotes qui pourront peut être un jour devenir champion, je pense à Hamilton ou Kovalainen. Notre travail est de faire en sorte que notre voiture séduise ces pilotes et pour cela, nous devons être plus rapides que nos concurrents. C'est notre priorité du moment.
Nous attaquons le Grand Prix de Monaco, bijou de la Formule 1. Quelles sont vos attentes ?
F.B. : Monaco caractérise bien la Formule 1 : offrir un spectacle extraordinaire pour les fans, les télévisions, tout le monde. Renault sera fort et j'espère que nous gagnerons ici, comme cela a été le cas il y a deux ans avec Trulli. Mais le plus important est que les gens sont très excités par cette saison et nous assistons à une fantastique bataille avec Ferrari. Il faut aborder les choses simplement : seul le show compte, on se moque des bavardages. Jusque là, je pense que nous divertissons notre public et c'est que nous voulons continuer à faire à Monaco.
Libres 1 et 2 : Déclarations
Voici ce qu'ont dit les principaux protagonistes après les essais libres 1 et 2 du Grand Prix de Monaco, jeudi, à Monte-Carlo.
Fernando Alonso (Renault, 1er des libres 1 et 4e des libres 2) : "Le Jeudi à Monaco est toujours une journée destinée aux pilotes plus qu'aux ingénieurs : nous roulons beaucoup de manière à nous familiariser avec la piste et à nous sentir bien au volant. J'ai bouclé beaucoup de tours, travaillé sur mes trajectoires et j'ai trouvé un bon rythme à la fin de la deuxième séance. L'équilibre de la R26 a été bon d'entrée de jeu ce matin et il était encore meilleur lorsque les conditions de piste se sont améliorées."
Giancarlo Fisichella (Renault, 3e et 7e) : "L'équilibre de la voiture est très bon et nous n'aurons qu'à faire quelques petits changements pour être là où nous voulons. Les temps au tour ont été très constants également. C'est prometteur pour le reste du week-end."
Pat Symonds (Renault, directeur Exécutif de l'Ingénierie) : "A Monaco, une bonne première journée signifie que les deux voitures sont revenues au garage intactes et que les ingénieurs ont suffisamment de données à dépouiller. Nous sommes satisfaits d'y être parvenus. De plus, la voiture semble une nouvelle fois compétitive sur un circuit dont les caractéristiques sont opposées à celles de Barcelone."
Denis Chevrier (Renault, responsable d'Exploitation moteur) : "Ce circuit est inhabituel et nous avons adopté un programme sensiblement différent de ce que nous faisons d'habitude pour nous y adapter, réalisant beaucoup de tours pour laisser aux pilotes le temps de s'accoutumer. En ce qui concerne le moteur, nous avons atteint le stade de la saison où la première journée est destinée à peaufiner les réglages et nous n'avons rencontré aucun problème."
Juan Pablo Montoya (McLaren, 5e et 3e) : "C'est un bon début au week-end pour nous. Nous semblons être plutôt compétitifs et nous avons réellement progressé. Mais ce sont les premiers jours et a Monaco tout peut arriver. J'ai accompli le programme prévu et les améliorations apportées sur la voiture se sont montrées efficaces. Les pneus sont bons et donc les choses se présentent bien. J'adore ce circuit car c'est un vrai challenge."
Kimi Räikkönen (McLaren, non-chronométré et 6e) : " j'ai eu un tout petit peu de mouvement en fin de première session. Je suis sorti moins d'une minute avant la fin de la séance pour faire mon tour d'installation et préparer quelques départs. Un début d'incendie a causé quelques dégâts sur la voiture, plus que nécessaire en raison de l'hésitation du commissaire. C'est pour cela que j'ai pris l'extincteur moi-même. L'équipe a fait du bon boulot pour me permettre de rouler dans la seconde partie de la deuxième session. Je suis satisfait de ce que nous avons fait et les choses semblent aller dans la bonne direction, mais la route est encore longue".
Michael Schumacher (Ferrari, 4e et 15e) : "Nous ne pouvons être content, bien que les résultats s'expliquent en partie par le fait que nous n'avons utilisé qu'un train de pneus, au contraire des autres pilotes. Mais je n'essaie pas de cacher le fait que la situation n'est pas aussi bonne qu'elle en a l'air. En ce moment, nous sommes trop lents et nous devons étudier les datas pour comprendre pourquoi."
Felipe Massa (Ferrari, 14e et 10e) : "Pas une journée facile pour nous. Nous avons beaucoup de travail pour être compétitif en qualification et en course. Nous avons besoin d'un peu qui nous donnes de la vitesse en qualification, mais aussi de la constance en course."
Ross Brawn (Ferrari, directeur technique) : "Honnêtement, nous n'avons pas extrait la performance espérée des pneus, qui ont souffert d'un léger manque de grip. Je suis confiance car la situation va s'améliorer car la piste va offrir plus de grip au fur et à mesure qu'elle accumulera de la gomme sur la trajectoire."
Robert Kubica (BMW, 6e et 26e) : "Je n'ai pu terminer les programmes prévus dans chaque séance. Mes long runs ont été interrompus par des drapeaux rouges (libres 1) puis un problème électronique m'a causé un accident (libres 2)."
Jacques Villeneuve (BMW, 17e et 20e) : "La voiture est plutôt compétitive ici, mais à cause des problèmes sur la voiture de Robert nous avons du stopper plus tôt. Il nous reste pa s mal de travail..."
Nick Heidfeld (BMW, non-chronométré et 22e) : "J'étais content de l'équilibre de la voiture, dommage que nous n'ayons fait que 10 tours. C'était pourtant très important de faire le plus de tours possibles en essais."
Nico Rosberg (Williams, 12e et 19e) : "Piloter une voiture de Formule 1 dans la rue est une expérience incroyable. J'ai fini ma première journée indemne, malgré le fait que j'ai touché les rails légèrement, une fois, ce qui a marqué mes pneus. Mais c'est la meilleure façon de faire une erreur ici !"
Tonio Liuzzi (Toro Rosso 22e et 16e) : "Je suis content de ce que nous avons accompli. Nous avons travaillé sur les réglages en vue de la course et la voiture avait un bon équilibre lors des deux sessions. Lors de la 2e séance, nos chronos ont progressé même si le V10 n'a pas semblé apporter le gain que tous avait imaginé sur cette piste."
Scott Speed (Toro Rosso, 23e et 23e) : "Conduire une F1 à Monaco pour la première fois est une expérience très intense. Difficile! Je ne sais à quoi nous devons nous attendre. Nous avons pas mal bataillé avec la voiture. J'ai perdu du temps lors de la première session et je dois me rattraper."
Takuma Sato (Super Aguri) : "Ce fut une bonne journée pour l'écurie. Mon rôle était de travailler sur les réglages pour la course, sachant que les conditions de piste vont changer samedi matin. Il y aura moins d'adhérence, puisque nous ne roulons pas vendredi. Je suis raisonnablement satisfait de l'équilibre de la voiture et des options choisies."
Franck Montagny (Super Aguri) : "Ce matin nous avons réparti le travail du choix des pneus entre Taku et moi. J'avais le choix le plus facile aussi ai-je pu profiter de quelques tours pour m'habituer au circuit. Ils ont été performants pendant quelques tours seulement. Donc, cet après-midi, j'ai travaillé sur une autre option qui s'avère plus ou moins bonne. La voiture est toujours un peu nerveuse et lourde pour ce qui concerne la direction. Cette journée a été productive et je suis assez satisfait de mon chrono."