Thor Hushovd est un battant. Malheureux la veille, où il avait été heurté par un drapeau lors de l'arrivée de la première étape, le géant norvégien a su faire preuve d'une volonté de fer pour reprendre son bien, à savoir le maillot jaune. Rien ne le laissait supposer au départ d'Obernay, alors que les 175 coureurs s'apprêtaient à avaler 228,5 kilomètres, soit la deuxième plus longue distance de cette édition 2006.
Sans Di Luca
Hushovd partait avec le moral mais avec la douleur d'un gros hématome au bras droit. Danielo Di Luca (Liquigas), en revanche, était déclaré non-partant. L'Italien ne s'était visiblement pas remis d'une infection urinaire qui l'avait fait terminer dernier à Strasbourg...
Beaucoup plus en forme, David De la Fuente (Saunier-Duval) et Aitor Hernandez (Euskaltel) n'attendaient pas longtemps avant de poser la première mine de la journée. Et quelle mine ! Les deux Espagnols s'échappaient dès les premiers mètres et l'écart gonflait aussitôt. Dans des proportions énormes puisque l'avance des deux fuyards allait s'élever jusqu'à 11'35''.
Passée la mi-course, et comme c'était finalement prévisible, cet écart allait fondre avec régularité, sous l'impulsion notamment des Discovery Channel qui prenaient les devants au sein du peloton en travaillant pour leur leader et maillot jaune George Hincapie.
Sur les longues lignes droites qui jalonnaient cette étape étaient disposés trois sprints intermédiaires qui, au jeu des bonifications, avaient forcément leur importance. Boonen et Hushovd s'y livrèrent un duel sans merci, le champion du monde belge prenant deux fois le meilleur sur le Norvégien. Mais ce dernier avait montré qu'il fallait encore compter sur lui...
De la Fuente en solo
Devant, De la Fuente profitait d'un sprint comptant pour le classement de la montagne pour fausser compagnie à son compagnon d'échappée. Le coup semblait jouable pour le jeune coureur de Saunier-Duval (24 ans) mais son effort solitaire n'était pas récompensé puisqu'il était repris à 12 kilomètres par Fabian Wegmann (Gerolsteiner), parti en contre-attaque. Le détenteur du maillot à pois faisait un temps illusion mais l'Allemand, tout comme son compatriote Matthias Kessler, fuyard rattrapé dans les derniers mètres, n'étaient pas payés de leurs efforts ! Wegmann devait même rendre son maillot rouge et blanc à de la Fuentes, logiquement élu "coureur le plus combatif" de la journée...
Tout allait se jouer entre costauds. Comme prévu. A ce jeu, Robbie McEwen était celui qui tirait le mieux son épingle du jeu, faisant la nique à Tom Boonen, trop juste, et à Thor Hushovd, encore malchanceux puisqu'il déchaussait dans les derniers hectomètres au moment de donner le coup de rein final ! Dans son malheur, le Norvégien du Crédit Agricole avait tout de même le bonheur de constater que sa troisième place lui suffisait pour reprendre le maillot jaune à Hincapie.
McEwen en vert
A l'heure des comptes, Hushovd possède désormais cinq secondes d'avance sur Boonen, 8 sur McEwen, et 10 sur Hincapie. L'Australien de la Davitamon réalise quant à lui un fameux coup double en couplant victoire d'étape (sa 9e sur le Tour) et prise du maillot vert. Jimmy Casper ne lui aura opposé que peu de résistance, le vainqueur de la veille terminant dans les profondeurs du classement (172e). Tout comme les deux héros du jour, De la Fuente (159e) et Hernandez (175e et bon dernier de l'étape). Le Tour est impitoyable.

Retrouvez les principales réactions enregistrées lundi à Esch-sur-Alzette, à l'issue de la deuxième étape du Tour de France 2006. Pêle-mêle, McEwen, Hushovd, Boonen, Casar, De la Fuente ou encore Kessler, qui a cru à la victoire jusqu'à 100m de la ligne.
Robbie McEwen (AUS - 1er): "Dans le Tour, le plus important est de gagner une étape pour le maillot vert. J'ai laissé les sprints intermédiaires pour les autres. Boonen et Hushovd sont très forts, mais aujourd'hui, c'était moi. Chaque victoire a un zeste particulier. Mais celle que je préfère, c'est toujours la dernière. Mon équipe a très bien roulé. Le final était assez difficile mais je n'ai pas trop souffert. L'étape de demain (mardi) devrait également se terminer au sprint. A l'arrivée, nous sommes allés visionner, Thor et moi, les images du sprint; celui-ci a été lancé entre Zabel et O'Grady. Je me suis décalé et j'ai senti quelque chose frotter ma roue: c'était la chaussure de Hushovd."
Thor Hushovd (NOR - leader): "J'ai eu peur au cours du sprint. Ma réaction a été immédiate. Je me suis expliqué avec McEwen. C'est vrai qu'il est parfois dangereux. Mais, après avoir vu les images à la télévision, il n'y a aucune irrégularité de sa part. Je suis surpris d'avoir repris le maillot jaune grâce à la bonification, car, dimanche soir, je n'étais pas sr de prendre le départ de l'étape. Mon bras me faisait mal. J'ai pris des médicaments. Cela a entraîné de l'acidité. J'avais mal à l'estomac. C'est pour cela que je suis allé consulter le docteur Porte durant la course. Demain (mardi), ce sera encore très dur. Mais, je peux bien monter le Cauberg et me retrouver encore en jaune."
Tom Boonen (NOR - 2e): "Je me sentais bien. Je pensais même avoir pris le maillot jaune car je n'imaginais pas que Hushovd avait pris la troisième place du sprint intermédiaire. Cette étape a été pour moi six fois plus dure que le Tour des Flandres, avec ses bonifications, les bosses et la chaleur. Le Cauberg devrait me convenir. Mais, si l'on ne gagne pas demain, ce sera pour après-demain."
Luca Paolini (ITA - 6e): "J'ai toujours de bonnes sensations. Je compte encore être à l'arrivée demain. A Esch, j'ai pris la roue d'Hushovd, malheureusement, il est parti trop tard."
Mathias Kessler (GER - 32e): "Je me sentais puissant dans les six derniers kilomètres. J'ai donc tenté ma chance. Mais à 100m de la ligne, je n'ai rien pu faire. J'ai vu le peloton revenir. Comme un grand coup de vent. Nous sommes sept dans l'équipe, mais au top. Nous allons gagner le Tour de France."
Sébastien Hinault (FRA - 80e): "Hushovd n'était pas bien au début. Après, il a eu des maux de ventre mais, au fil des kilomètres, il a retrouvé une condition lui permettant de disputer le sprint intermédiaire crucial pour le maillot jaune."
Sandy Casar (FRA - 128e): "J'étais derrière au moment où c'est tombé. Au début du Tour, le peloton est toujours nerveux. Ca frotte dur. C'est sûrement quelqu'un qui a touché une roue. Et la chute est alors inévitable. Heureusement, elle est sans dommage au niveau du temps, car elle s'est produite dans les trois derniers kilomètres."
David De la Fuente (ESP - 159e): "Je n'ai pas gagné, mais j'ai quand même vécu un rêve. C'est le moment le plus important de ma carrière. J'ai un instant pensé pouvoir l'emporter mais je me suis aussi épuisé à engranger des points pour le maillot à pois. La seule fausse note de la journée est la chute de Gomez-Marchante."