Légendes: Gino Bartali
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Gino Bartali fut, avec Fausto Coppi, l'autre grand champion du cyclisme italien. Vainqueur du Tour à 10 ans d'intervalle, il a marqué son temps. Sans la Guerre, quel serait son palmarès? Adoré, vénéré, Gino le Pieux s'est éteint en l'an 2000, à l'âge de 86 ans.
Si Fausto Coppi avait conquis hors de la Péninsule une popularité inégalée pour un coureur transalpin, Gino Bartali reste en revanche le dieu du cyclisme transalpin pour tous les Italiens. Il est difficile d'imaginer aujourd'hui les scènes de liesse, mais aussi d'hystérie, que le Toscan provoquait à chacune de ses sorties dans son pays. "N'y touchez pas, c'est un dieu", s'est même écrié un jour un général italien venu assistez à l'arrivée d'une étape en 1938. Adoré, vénéré, Bartali conservera toujours une place à part dans le coeur du sport italien.
Dans celui du Tour de France également. Ce Tour que Gino Bartali est le seul en cent ans d'histoire à avoir gagné à dix années d'intervalle. Une décennie sépare en effet sa première victoire (1938) de sa deuxième, et dernière (1948).Une décennie mais surtout une effroyable Guerre, qui a frustré l'Italien pendant ses meilleures années. Combien de Tours aurait-il inscrit à son palmarès sans ce long trou noir? On peut débattre pendant des heures là-dessus, de manière forcément stérile.
Ce qui apparaît certain, c'est que Bartali se serait forcément imposé à plusieurs reprises entre 1940 et 1946. Aucun de ses adversaires de l'époque n'aurait pu lui arriver à la cheville, notamment en montagne. Lors de certaines soirées bien arrosées, Gino prétendait qu'il aurait fini sa carrière avec sept ou huit Tours en poche sans cette maudite Guerre. Personne ne l'a jamais contredit.
Un mystique
On ne peut appréhender le champion Gino Bartali sans évoquer l'aspect mystique de l'homme. Homme imprégné d'une foi profonde, il n'était pas surnommé pour rien "Gino le pieux". Cette force venue de l'intérieur, il la puisait aussi dans la douloureuse perte de son frère, décédé dans une course en 1934. Il était d'ailleurs l'ami personnel du Pape Pie XII. Cet aspect du personnage, fondamental, rejaillissait sur son comportement en course, où il affichait un grand respect de ses adversaires, mais aussi des organisateurs.
Lors de sa première apparition sur le Tour de France, en 1937, Bartali, âgé de seulement 22 ans, doit quitter la course après une chute, alors qu'il avait pourtant endossé le maillot jaune. Avant d'abandonner, il prit la peine d'avertir personnellement Henri Desgrange, d'un demi-siècle son aîné, de sa décision. "Vous êtes le premier à me saluer avant d'abandonner. Vous êtes un brave garçon, Gino. Nous nous reverrons l'an prochain et vous gagnerez ", avait répondu le patron, ému.
Desgrange avait vu juste.
En 1938, le Florentin surmonte toute les épreuves: la densité de l'équipe belge, le froid, la pluie, et même une crevaison dans l'Iseran qui aurait pu lui coûter cher. Mais Bartali fait la différence dans l'étape la plus dure de cette édition, entre Digne et Briançon. Magnifique, Gino se balade dans Vars et Allos, et s'impose avec plus de cinq minutes d'avance sur Vicini, et 17 sur Félicien Vervaecke, son plus sérieux rival jusqu'ici, qui sera d'ailleurs son dauphin à Paris.
Muet pendant dix ans
Une étape qui résume à merveille ce qu'était Gino Bartali. Un empereur de la montagne, capable de prendre une minute au kilomètre sur un démarrage. Au soir de son premier sacre, il n'a que 23 ans. Une dynastie semble s'ouvrir, mais c'est avec dix ans de plus qu'il reviendra sur le Tour en 1948. Pour une nouvelle victoire éclatante, malgré Bobet, malgré Robic. Avec sept succès d'étapes à la clé, dont trois consécutivement dans les Alpes, devant des milliers de supporters italiens en transe. Muette depuis dix longues années, la légende reprenait vie. Pour ne plus s'arrêter.
Ses dernières apparitions seront moins glorieuses, marquée par une rivalité tendue avec Fausto Coppi, l'autre géant italien, mais aussi par une sortie peu glorieuse en 1950. Bousculé par un spectateur dans les Pyrénées, Gino le pieux grossit l'incident et décide d'abandonner, ce qui était son droit le plus strict, mais entraînant avec lui toute l'équipe italienne, ce qui était plus discutable. Mais l'Italie, comme le Tour d'ailleurs, ont vite pardonné cet écart à cet immense champion et à ce grand homme, qui restera jusqu'à sa mort, à l'âge de 86 ans en l'an 2000, une figure éminemment respecté dans le milieu du vélo.
Légendes: Greg LeMond
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Chaque jour, découvrez ou redécouvrez une grande figure de l'histoire du Tour de France. Jeudi, Greg LeMond, qui amena le nouveau monde sur la Grande Boucle dans les années 80. Triple vainqueur de l'épreuve, il a trouvé la ressource de relancer sa carrière après avoir frôlé la mort.
Les années 80 resteront pour le cyclisme la décennie de l'ouverture sur le monde. Les rapports de force traditionnels explosent, et si les grands pays de cyclisme demeurent des repères incontournables, ils doivent désormais composer avec de nouvelles forces, venues d'ailleurs: d'Australie avec Phil Anderson, de Colombie, dont Lucho Herrera est le plus beau symbole, mais aussi des Etats-Unis.
Chez l'Oncle Sam, le vélo est alors considéré comme un loisir, certainement pas comme un sport de compétition. Difficile dans ces conditions pour un jeune américain de s'imposer dans ce milieu. C'est pourtant ce que va réussir Greg Lemond, en devenant une des figures les plus marquantes de son temps. Né en 1961 à Lakewood, c'est par curiosité que Greg vient au vélo. Ses aptitudes se révélant rapidement très au-dessus de la moyenne, il va tenter d'y faire son trou.
De Guimard à Tapie
Mais pour devenir professionnel, un Américain n'a pas le choix. Il doit émigrer en Europe. Lemond débarque donc à tout juste 20 ans sur le Vieux Continent. Son talent, mais aussi sa bonne humeur, son accent sympathique et son humour vont lui permettre de s'adapter à une vitesse fulgurante. Couvé chez Renault par Cyrille Guimard, Lemond obtient rapidement ses premiers résultats mais, très vite, il tombe surtout amoureux du Tour de France, une épreuve qu'il sent taillé pour lui.
Obnubilé par le duel Fignon-Hinault, personne ou presque ne parle de lui sur le Tour 1984, où il prend pourtant une remarquable troisième place, titillant même le Blaireau. Déjà, son profil se dégage : hyper-complet, très régulier, mais parfois réticent à l'offensive, le Yankee s'affirme néanmoins comme un coureur taillé pour les Grands Tours. Ce premier podium n'est que le premier d'une longue série.
Il décuple surtout son ambition et, douze mois plus tard, c'est avec le maillot de champion du monde, mais surtout dans une nouvelle équipe, La Vie Claire, que Lemond revient sur le Tour, aux côtés de Bernard Hinault. Ensemble, les deux hommes vont écrire quelques pages mémorables. Bernard Tapie, patron de l'équipe, aligne les dollars et ménage habilement les susceptibilités. Le Tour 1985 sera pour Hinault, le suivant pour Lemond.
Le champion du nouveau monde
Les choses se dérouleront exactement de la sorte, non sans quelques grincements de dents à la limite de la fausse note. Car Lemond mettra du temps à digérer le fait qu'on lui interdise de jouer sa carte dans les Pyrénées en 85, alors que Hinault, diminué par sa fracture du nez, est à la peine. Mais l'Américain, s'il ronge son frein et tape du poing sur le guidon par dépit, se plie tout de même aux consignes de Paul Koechli.
Comme prévu, son heure vient l'été suivant, en 1986. Hinault est toujours aussi fort, mais le Breton est loyal et Lemond devient le premier américain à remporter le Tour de France. Mieux, il est le premier non-européen à inscrire son nom au palmarès. Le champion du Nouveau monde, de la nouvelle ère, c'est lui. Un avenir somptueux s'ouvre alors devant lui, d'autant que Hinault quitte la scène où Fignon, blessé, a bien du mal à revenir.
Mais Lemond va alors être fauché en pleine gloire, en pleine possession de ses moyens. Un accident de chasse aussi bête que grave lui fait entrevoir la mort au printemps 87. Il mettra deux ans à se relever. Son retour, aussi brutal que miraculeux, il le signe sur le Tour en 1989. Seule la Grande Boucle pouvait le ressusciter de la sorte. Un Tour de légende, l'un des plus beaux de l'histoire, où son duel avec un Fignon lui aussi retrouvé atteint des sommets inexplorés.
Comme un gosse à Noël
Le reste est archi-connu. Le chassé-croisé dans les Alpes et les Pyrénées, le guidon de triathlète, l'induration de Fignon en fin d'épreuve, et ce dénouement presque inhumain lors du chrono des Champs-Élysées. Pour huit secondes, Lemond gagne son deuxième Tour de France. Personne n'a oublié cette image, la plus saisissante de la carrière de l'Américain. Dressé sur la pointe des pieds comme un gamin qui piaffe d'impatience en attendant ses cadeaux de Noël, Greg attend l'arrivée de Fignon, avant d'exploser comme un fou une fois sa victoire assurée.
Il ajoutera un troisième et dernier Tour à sa besace en 90. Sans grand panache, sans remporter la moindre étape, mais avec méthode et rigueur. L'éclosion de Miguel Indurain, associée à son propre déclin, ruineront ses dernières ambitions. Lemond laisse l'image d'un coureur atypique, d'un champion aussi décontracté que professionnel. Parti de pas grand-chose, revenu de nulle part, il a toujours su surmonter les épreuves qui se mettaient sur son chemin. Ce fut son plus grand mérite.
GREG LEMOND DIGEST
Né le 26 juin 196
8 participations
Victoires: 3 (1986, 1989, 1990)
Podiums: 5
Victoires d'étapes: 5
Jours en jaune: 22
Légendes: Richard Virenque
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Chaque jour, découvrez ou redécouvrez une grande figure de l'histoire du Tour de France. Lundi, place à Richard Virenque, le roi des pois. Sacré à sept reprises meilleur grimpeur, le Varois a uni son destin à celui de la reine des épreuves.
Avec Raymond Poulidor, Richard Virenque est le coureur français le plus populaire à ne jamais avoir remporté le Tour de France. Le Varois a bâti sa carrière presque exclusivement autour de la Grande Boucle. Pour le meilleur, souvent. Pour le pire, parfois. Une chose est sûre, Virenque n'a jamais laissé personne indifférent. Beaucoup l'aimaient, certains le détestaient. Mais chacun admettra que pendant dix ans, le Tour, au moins du point de vue français, aura largement vécu par et pour Richard Virenque.
La belle histoire, passionnelle et fiévreuse, de Virenque avec la Grande Boucle commence ironiquement sur un malentendu. Sélectionné in extremis pour le Tour 1992, le gamin de 23 ans se fait remarquer aux yeux de la Belle en prenant le maillot jaune dès la deuxième étape, à Pau. Un bonheur intense, immense. Mais c'est sans doute trop beau, trop tôt. Dès le lendemain, le Varois cède sa tunique dorée à son coéquipier Pascal Lino. "Un jour, c'est trop court. Si ça se trouve, je ne pourrai plus jamais le porter" râle Virenque.
La France a la rougeole
Le pronostic, en forme de crainte, aura presque valeur de prophétie. Il devra en effet attendre onze années pour goûter à nouveau au précieux paletot, l'espace d'une journée. De toute façon, l'image de Richard n'a jamais épousé celle du maillot jaune, mais celle d'une autre fameuse tunique du Tour. Un peu moins légendaire, peut-être, mais qui sied si bien à ce grimpeur au regard noir: la maillot à pois. Grimpeur dans l'âme, dans le coeur et dans les jambes, Virenque se découvre une passion pour le GP de la Montagne, qu'il remporte à cinq reprises entre 1994 et 1999. La France a la rougeole. Les cols font sa gloire, immense, mais tracent aussi ses limites.
Car Virenque rêve toujours de jaune. Son ambition lui commande d'aller plus haut. Alors, il va monter, monter. Troisième du général en 1996, deuxième derrière Ullrich en 1997, avec notamment une victoire de légende a Courchevel, le ciel se rapproche... Oui mais voilà, au plus haut de sa popularité, le Sudiste va se brûler les ailes pour avoir voulu approcher trop près du soleil. C'est l'affaire Festina, les humiliations de la justice, les affres de la suspension et la douleur des aveux, si tardifs. Convaincu de dopage, à l'insu de son plein gré ou pas, Virenque chute du piédestal sur lequel il s'était installé.
Victime et coupable
Dans les médias, l'image de l'icône est écornée. Mais le public, aveugle pour les uns, fidèle pour les autres, ne lui en gardera aucune rancune. Au contraire. Pour beaucoup, Virenque n'a été qu'une victime du dopage, pas un coupable. Après ce passage difficile, le Sudiste entame une seconde carrière, presque aussi heureuse que la première. Il renoue avec la victoire à Morzine en 2000, s'impose à nouveau, au sommet du Ventoux, deux ans plus tard, à nouveau à Morzine en 2003 puis à Saint-Flour, le 14 juillet 2004.
Un ultime feu d'artifice, accompagné d'un record, avec ses sept titres de meilleur grimpeur. Virenque tient enfin sa place dans l'histoire. "Je me suis fait plaisir", dit-il simplement à Paris. Plus mûr, moins guidée par sa folle ambition, le Virenque post-Festina a su puiser dans des valeurs plus simples les sources de ses exploits. Sans jamais se départir de sa volonté de victoire. Toujours avide de reconnaissance, Virenque avait encore envie, et besoin, de rêver...