En noyant ses principaux prétendants, pour des motifs divers et variés, le Tour de France nous avait plongés dans l'inconnu. On guettait donc le rendez-vous fixé avec le temps à Rennes, avec l'impatience d'un gamin la veille de Noël. Histoire d'y voir un peu plus clair sur les intentions et les prétentions de chacun. Sommes-nous beaucoup plus avancés à l'issue de cette première grande échéance? Pas franchement. Certes, nous voilà nantis d'un nouveau maillot jaune en la personne de Serhiy Honchar, et d'une nouvelle hiérarchie, mais il nous étonnerait fort qu'elle ne soit pas encore largement chamboulée dans les deux prochaines semaines.
Dans le duel à distance entre les spécialistes du chrono et les candidats au maillot jaune, Honchar a su tirer son épingle du jeu pour réussir un joli coup double. L'Ukrainien, qui a conquis la plupart de ses victoires dans l'effort solitaire tout au long de sa carrière, a confirmé ses aptitudes. En tête à tous les pointages intermédiaires, il signe ainsi son premier succès sur le Tour de France, en même temps qu'il se pare des apparats du maillot jaune. Si sa victoire n'est pas à proprement parler une surprise, l'ampleur de celle-ci la rend incontestable. Honchar a repoussé son dauphin, Floyd Landis, à une minute pleine.
Leipheimer à la dérive
Derrière, les écarts sont nettement plus réduits, puisqu'il n'y a qu'une minute cinquante d'écart entre Landis et Didier Rous, 25e. D'une certaine manière, il y avait donc Honchar et les autres, samedi. A 36 ans, il touche une forme de consécration. Conscient de la portée de son exploit, il arborait sur le podium un grand sourire inhabituel sur le visage de ce personnage plutôt taciturne. Fort de son maillot jaune, peut-il espérer jouer un rôle dans ce Tour? Difficile d'y croire réellement, même s'il a prouvé par le passé, sur le Giro, qu'il était apte à franchir la Montagne. Mais on demande à voir.
Si l'on s'en tient à la stricte liste des favoris, Floyd Landis apparait aujourd'hui comme le mieux placé. Deuxième de l'étape, le vainqueur de Paris-Nice occupe également cette position au classement général. Mais derrière lui, c'est la foire d'empoigne. Michael Rogers, Andreas Klöden, Cadel Evans, Patrik Sinkewitz, Denis Menchov, Vladimir Karpets ou encore Christophe Moreau figurent dans la même minute (ou tout près) que Landis et les 30 premiers du général se tiennent en quatre minutes. C'est dire si le jeu reste ouvert. Crédité du 15e temps au final, Moreau a justifié à la fois son rang de meilleure chance française et, plus important, de candidat au podium. S'il a même jambes en montagne que dans le Dauphiné, tous les espoirs sont permis.
Si personne n'a gagné le Tour aujourd'hui à Rennes, il en est un qui l'a peut-être d'ores et déjà perdu. Très attendu, Levi Leipheimer est en effet passé complètement au travers, dans des proportions qui laissent pantois. L'Américain a concédé plus de six minutes à Honchar. Le leader de la Gerolsteiner, que certains considéraient comme le nouveau favori du Tour après la récente hécatombe, aura bien du mal à combler un tel handicap dans la montagne. Il est à l'évidence le grand battu du jour. Il ne fait décidément pas bon avoir la faveur des pronostics cette année...
Les Discovery cloués au sol
A un moindre degré, son compatriote George Hincapie, seulement 24e de l'étape, a lui aussi perdu certaines de ses illusions. C'est d'ailleurs l'équipe Discovery dans son ensemble qui a pris une claque, Popovych, Savoldelli et Azevedo ayant eux aussi lâché beaucoup de lest. La troupe de Johann Bruyneel abordera les Pyrénées dans une position beaucoup moins favorable qu'espéré. Et que dire des CSC de Bjarne Riis? Ils avaient déjà perdu Ivan Basso, les voilà maintenant sans Bobby Julich, victime d'une fracture du poignet en chutant. David Zabriskie, loin du compte avec sa 13e place, n'a pu consoler l'équipe danoise en gagnant l'étape, dont il était pourtant le grand favori.
Dans ce Tour de la nouvelle donne, on ne pouvait s'empêcher de croire en la bonne étoile des Français. A ce titre, Christophe Moreau, on l'a vu, n'a pas déçu. Didier Rous (25e), régulier, Sylvain Chavanel (25e), parti beaucoup trop vite, et Sandy Casar (34e), qui a limité la casse, sont globalement à leur place. On oserait dire qu'ils se trouvent aujourd'hui idéalement placés avant la bataille pyrénéennes: ni trop loin au général pour être condamnés ni trop près pour ne pas bénéficier d'un éventuel bon de sortie. Quelque chose nous dit que nous ne sommes pas au bout de nos surprises...
. ARRIVEE - CLASSEMENT FINAL
1. Honchar (Ukr, T-Mobile)
2. Landis (E-U, Phonak) à 1'00"
3. Lang (All, Gerolsteiner) à 1'04
4. Rogers (Aus, T-Mobile) à 1'24"
5. Larsson (Sue, Française des Jeux) à 1'34"
6. Sinkewitz (All, T-Mobile) à 1'39"
7. Fothen (All, Gerolsteiner) à 1'42"
8. Klöden (All, T-Mobile) à 1'43"
9. Menchov (Rus, Rabobank) à 1'44"
10. Posthuma (PB, Rabobank) à 1'45"
. POINTAGE 2 - Km 36,5
1. Honchar (Ukr, T-Mobile)
2. Landis (E-U, Phonak) à 42"
3. Larsson (Sue, Française des Jeux) à 1'03"
4. Menchov (Rus, Rabobank) à 1'03"
5. Lang (All, Gerolsteiner) à 1'11"
6. Klöden (All, T-Mobile) à 1'15"
7. Rogers (Aus, T-Mobile) à 1'16"
8. Posthuma (PB, Rabobank) à 1'19"
9. Mazzoleni (Ita, T-Mobile) à 1'20"
10. Fothen (All, Gerolsteiner) à 1'22"
. POINTAGE 1 - Km 16,5
1. Honchar (Ukr, T-Mobile)
2. Landis (E-U, Phonak) à 17"
3. Klöden (All, T-Mobile) à 22"
4. Fothen (All, Gerolsteiner) à 29"
5. Menchov (Rus, Rabobank) à 30"
6. Sinkewitz (All, T-Mobile) à 31"
7.Zabriskie (E-U, CSC) à 37"
8. Mazzoleni (Ita, T-Mobile) à 38"
9. Evans (Aus, Davitamon-Lotto) à 38"
10.Karpets (Rus, Caisse d'Epargne) à 42"
Etape 7: Déclarations
Retrouvez les principales réactions enregistrées samedi à Rennes, à l'issue de la 7e étape du Tour de France 2006. Pêle-mêle, le vainqueur du jour, Serhiy Honchar, Didier Rous, Sylvain Chavanel, ou encore Christophe Moreau (photo), qui affiche un moral au beau fixe à l'issue de ce chrono.
Serhiy Honchar (UKR, maillot jaune): "Nous nous sommes préparés à cent pour cent pour ce tour. Je suis désolé de ce qui est arrivé à Jan (Ullrich). On va quand même se montrer compétitif. Dans ce chrono, au début, ça se passait très bien. J'ai poussé un très grand braquet. J'ai tout donné. Malgré mon âge, je me sens jeune et je remercie l'équipe T-Mobile de m'avoir fait confiance. Je veux profiter au maximum de cette victoire d'étape et savourer mon maillot jaune. Je suis très heureux. Après on verra."
Christophe Moreau (FRA, 15e étape): "Ce parcours était plus difficile que je l'avais prévu. Il demandait une concentration constante mais le résultat constitue une pierre de plus à l'édifice. Il fallait se sortir de la pression et des aléas du départ. J'ai pu éviter les chutes des premières étapes. Le moral est très bon."
Didier Rous (FRA, 25e étape): "Je suis bien parti. J'ai fait ce chrono au maximum. J'ai eu une bonne sensation. Je suis satisfait d'avoir su contenir le vent défavorable en début d'étape. Le terrain bosselé me convenait globalement bien. La fin du parcours s'est avérée avantageuse pour les bons rouleurs. On se rapproche de chez nous. Tant mieux! Il n'y a pas de raison qu'on ne gagne pas une étape."
Sylvain Chavanel (FRA, 27e étape): "A la lecture des premiers temps intermédiaires, j'étais avec les meilleurs. Mais je suis parti trop vite. J'ai eu un vent de travers qui m'a gêné. Je n'ai pas de pression particulière pour le classement général. Je vais essayer de gagner une étape."
Sandy Casar (FRA, 35e étape): "C'était un parcours pour les hommes puissants surtout avec ses lignes droites interminables. J'avais quelques appréhensions au cours de la reconnaissance car je me sentais les jambes lourdes. Je n'ai heureusement pas perdu de vitesse dans les montées. Je suis d'autant plus satisfait que les bobos dus à mes chutes s'estompent. J'espère que cela va continuer."
Tom Boonen (BEL, 41e étape): "J'ai d me forcer pour faire un temps dans ce contre-la-montre. J'ai roulé à un bon tempo. Je pense avoir fait honneur à mon maillot. J'ai gardé les bonnes sensations que j'avais en début de semaine."
Florent Brard (FRA, 118e étape): "J'ai payé les efforts de la veille. Dans les premiers kilomètres, je me sentais bien puis, d'un seul coup, à la place de mes deux jambes, j'avais deux bouts de bois. Je compte sur Pereiro et Karpets pour le classement général. Ce sont deux cartes essentielles à jouer."
Paolo Savoldelli (ITA, 19e étape): "J'ai perdu plus de temps que ce que je prévoyais. Dans les faux-plats, je n'ai jamais réussi à me relancer et j'ai vite compris que ce serait une journée difficile pour moi. Il m'a manqué le rythme. J'ai sans doute payé le fait de ne pas avoir couru avant le Tour. Il reste la montagne. Notre équipe est combative. Nous n'allons pas rester sans rien faire".
