Raymond Domenech veut combattre les doutes nés à la suite des deux premiers matches des Bleus. Pour le sélectionneur, l'espoir demeure et les raisons d'y croire sont nombreuses. Domenech remet également les pendules à l'heure concernant Zidane: il n'y pas de mésentente entre les deux hommes.
RAYMOND DOMENECH, un certain pessimisme s'est installé en France. Est-ce que vous le comprenez ?
R. D. : Je ne le comprends, ni ne l'explique. Ce qui compte pour nous, c'est ce que l'équipe vit, et c'est ce qui se passe à l'intérieur. On existe toujours, l'avenir dépend de nous, il y a ce match contre le Togo à gagner par deux buts d'écart pour être sûrs de se qualifier en huitièmes de finale. Si ça, ça inspire la morosité, je n'y peux rien... Je n'ai pas de pessimisme à avoir. Ce qui s'est passé contre la Corée du Sud, devrait plutôt donner de l'espoir.
Quels motifs de satisfaction retirez-vous de ce match ?
R. D. : Cette équipe est capable de jouer, et de marquer des buts. Je sais comment l'équipe vit, je vois ce qui se passe sur le terrain, du bord de la touche en plus. On voit les rictus, on les voit souffrir, on les voit parler, ils font ce qu'il faut. Jusqu'à la 71e minute, il y eu un coup franc qui nous a donné des frissons. Pour le reste, il ne s'est strictement rien passé. J'ai revu les images. Trouvez-moi une occasion... Je ne peux pas être pessimiste avec ça. Au contraire. Je dis : on continue !
Vous avez pressé moins haut tout de même en seconde période ?
R. D. : Maintenir le pressing durant 90 minutes, dans les vingt mètres adverses, ça demande beaucoup d'energie. On ne peut pas faire cela durant tout le match. En seconde période, on était un peu moins haut mais personne n'est capable de tenir cela durant un match entier.
Les erreurs d'arbitrage vous inquiètent-elles?
R. D. : C'est surtout inquiétant quand ça tombe deux fois sur nous. Il y en a eu d'autres, mais nous c'est deux matches de suite. Je demande juste aux arbitres de nous accorder les buts quand on les met, ce serait mieux, ou de nous siffler les penalties. Sur l'action de Vieira, le ballon rentre de cinquante centimètres. On avait fait ce qu'il fallait. On perd le bénéfice de ce que l'on avait bien fait. Je ne dis pas que c'est de la faute de l'arbitre si l'on prend un but mais s'il nous avait accordé le deuxième, on aurait été à 2-0. Cela change la donnée du match...
Faire entrer Dhorasoo à la 88e, n'était-ce pas trop tard ?
R. D. : Et Ribéry à une demi-heure de la fin, est-ce que ce n'était pas trop tôt ? Après, on peut toujours tout dire. Mais sur le moment, il y a des décisions à prendre. Je fais de mon mieux. Et le mieux, c'était de garder toutes ses chances contre le Togo.
Face à la Corée du Sud, Zidane est sorti mécontent, sans vous regarder...
R. D. : Trouvez-moi un joueur qui est content de sortir quand le match n'est pas complètement débloqué. Quand on gagne 3-0, oui... Sinon les joueurs ne sortent pas forcément avec la banane, et c'est rassurant. Mais faites les analyses que vous voulez... Moi, j'ai continué à regarder le match. D'autres sont sortis lors d'autres matches, je ne les regarde pas plus que Zidane.
Quelle était la logique de le sortir à la 91e minute?
R. D. : Si vous pensez que je l'ai sorti pour le "piquer", vous faites fausse route. C'est une préparation. Moi, je suis en projection permanente. Zidane est suspendu. Mon idée, c'est qu'il y a un match derrière et que Zizou ne le jouerait pas. Et qu'il faut envoyer des signes à tout le monde. L'avenir, c'est le Togo. Il y en a qui doivent se préparer.
Quel va être d'ici vendredi le rôle de Zidane?
R. D. : Notre projet, c'est d'aller le plus loin possible. Donc, son rôle est de se préparer pour la suite. On ne joue pas en se disant que c'est le dernier match. On joue en se disant qu'il faut gagner ce match-là et que derrière il y en aura d'autres, et qu'il faut se préparer. Mais comme le dit Zizou depuis le début, ce n'est pas la Coupe du monde de Zidane. On doit aller loin avec lui.
Est-ce que le torchon brûle entre vous et Zidane ?
R. D. : Ce sont des pures spéculations. Cela fait deux ans que vous me sortez ça. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? Continuez. C'est pas gênant. Je vous le dis et vous le répète: chacun fait son boulot, lui le fait bien. Chacun travaille pour l'équipe et pour qu'on aille le plus loin possible.
Pourquoi a-t-on l'impression de non-dits dans ce groupe ?
R. D. : Vous avez l'impression qu'il y a des non-dits parce qu'on ne vous dit pas tout. Il y a plein de non-dits. Mais les non-dits ne sont pas entre nous. Ils sont entre nous et vous les journalistes...
Pourquoi cela ?
R. D. : C'est à partir de l'expérience du Portugal et du Mondial 2002, à la demande des joueurs eux-mêmes. On ne veut pas qu'il y ait une dispersion totale. Ils font ce qu'ils font pour se concentrer sur le jeu et ne pouvoir être accusés que sur le jeu. A la limite, ils se mettent en difficulté, parce que si tout était parti dans tous les sens, on aurait dit: c'est parce que l'hôtel faisait ci, parce que le voyage était comme ça, parce que les femmes...
Ils n'auront donc aucune excuse en cas d'élimination ?
R. D. : Mais on n'a jamais d'excuses quand on ne se qualifie pas ! Mais avant de nous condamner, laissez-nous quand même commettre le crime. C'est un nouveau match-couperet. Cela dit, on en a l'habitude. Depuis Israël, c'est comme ça. Pourvu que ça dure...

Comment on joue sans Zizou ?
LE 4-4-2 CLASSIQUE
C'est la solution la plus plausible. En l'absence de Zinedine Zidane qui est l'un des derniers numéros 10 à l'ancienne et le seul joueur de l'équipe de France à pouvoir évoluer avec maestria dans l'axe du terrain, Raymond Domenech a de fortes de chances de changer son fusil d'épaule et décider d'aligner un 4-4-2 avec deux éléments offensifs excentrés. Pour la défense (mis à part l'entrée de Mikaël Silvestre) et les milieux défensifs, cela ne change pas grand chose. Pour ce qui est de l'animation, on reviendrait à un système utilisé par les Bleus face à l'Allemagne en novembre dernier (0-0). Florent Malouda et Sylvain Wiltord (ou Frank Ribéry) seraient chargés d'alimenter Thierry Henry et son partenaire d'attaque (Trezeguet ou Saha). L'avantage d'un tel système est de développer un jeu rapide et d'avoir une grosse présence dans la surface de vérité.
LE 4-2-3-1 DU MONDIAL
En étant privé de son meneur de jeu axial, Zinedine Zidane, Raymond Domenech perd évidemment plus qu'un simple joueur. Cela dit, compte tenu de son conservatisme, le sélectionneur de l'équipe de France pourrait être tenté de se présenter contre le Togo avec le 4-2-3-1 qui a été mis en place face à la Suisse et à la Corée du Sud. Thierry Henry resterait alors seul en pointe tandis que les couloirs seraient animés par Florent Malouda et Sylvain Wiltord. En position axiale, Vikash Dhorasoo, qui est entré lors des deux premiers matches, pourrait remplacer numériquement Zinedine Zidane. A moins que Franck Ribéry ne soit titularisé en position de numéro 10. Cette triplette aurait l'avantage de pouvoir permuter à loisir et peut-être perturber la défense togolaise. Pour autant, l'absence d'une deuxième pointe aux côtés de Thierry Henry pourrait être préjudiciable alors que les Bleus auront peut-être besoin de marquer deux fois ou plus.
LE 4-3-1-2 DE LA PREPARATION
C'est l'organisation que Raymond Domenech a privilégiée durant les matches de préparation. Que ce soit face au Mexique (1-0), au Danemark (2-0) ou à la Chine (3-1), l'ancien patron de l'équipe de France Espoirs a joué avec trois milieux récupérateurs et mis Patrick Vieira dans la tourmente puisque le Turinois, excentré sur la droite, n'a pas les mêmes marques que dans l'axe et souffre sur les phases offensives. Si le sélectionneur décidait de renouer avec ce schéma, l'animation de l'équipe de France risquerait de pencher largement vers la gauche et reposer sur les épaules de Florent Malouda. Un Florent Malouda qui devrait s'habituer à jouer avec Mikaël Silvestre, remplaçant naturel d'Eric Abidal. Pour ce qui est du meneur axial, c'est Franck Ribéry qui prendrait la place de Zinedine Zidane. En attaque, Thierry Henry serait épaulé par David Trezeguet ou Louis Saha.